Part of the 2017/2018 Season in Paris | On Septembre 10th, 2017 | Théâtre de la Ville, Espace Cardin
With Pelva Naik, vocals | Pratap Awad, pakhāwaj | Céline Wadier et Véronique Dupont, tānpūrā
A production by ECHO Collective !
De ses parents artistes autant qu’esthètes, Pelva Naik reçoit en héritage le sens du détail et la passion du sens. Elle chante, peint, danse. L’adolescente quitte sa ville natale d’Ahmedabad pour intégrer l’école du philosophe Jiddu Krishnamurti, îlot de nature que dallent les sentiers de l’introspection et de la liberté.
À 17 ans, elle rencontre l’enchanteur qui deviendra son guide à travers le dhrupad : Ustad Zia Fariduddin Dagar (1932-2013). Elle s’engage aussitôt au sein de la gurukul de Bombay, où s’opèrera la transmission de maître à disciple. À l’art vocal (gāyakī) s’adjoint le son magnétique de la rudra vīṇā, que représenta dans un summum d’élégance un autre des frères Dagar : Ustad Zia Mohiuddin Dagar (1929-1990).
« Il s’agissait moins d’apprendre que de se rendre disponible pour recevoir. Le partage survenait alors naturellement. […] La forme artistique [dhrupad] est au centre de tout, comme une entité ayant une vie propre ; et tous – artistes, gurus, élèves, auditeurs – sont à sa périphérie. », raconte Pelva à propos de son initiation.
« Le quotidien était pétri de musique. Nous nous réveillions avant l’aube pour le kharaj sadhānā [1]; et les heures du jour s‘égrainaient jusqu’au plein épanouissement de la voix. […] Nous discutions, nous cuisinions, nous voyagions… Tout était affaire de mesure, de couleur, d’odeur, de goût – que l’on retrouve dans les rāga-s. »
Le dhrupad lui paraît tel une miniature dans lequel l’œil se déplace de détail en détail, jusqu’à se mouvoir librement. « Ce style ne met pas l’emphase sur la mélodie ; ce n’est pas le déploiement du rāga qui est visé. Nous plongeons profondément en lui ; nous observons la pureté du son, nous cherchons la note – la note ultime, la note la plus fine qui soit… Cela commence avec l’ālāp[2], véritable poinçon du dhrupad. »
Au delà de son statut de tradition vivante, le dhrupad est une culture. « Disposant de son propre langage, de sa propre éthique, il s’apparente à un chemin de vie. Pour cette raison, il revient au praticien de maintenir une discipline de façon à en épouser le caractère organique. »
Le dhrupad apparaît sous ce nom à partir du XVIe siècle à la cour des empereurs moghols, mais des genres apparentés semblent lui avoir préexistés. Il dérive probablement de l’ancienne forme religieuse Prabandha (en usage du IIe au XIIIe siècle), trouvant elle-même son origine dans le Sāmagāna – psalmodie des textes du Sāmaveda sur un motif musical. De mémoire historique, les poètes-musiciens attachés au rāja Mān Singh Tomar de Gwalior, dont le célèbre Tansen, auraient été les premiers architectes de la forme qui nous est parvenue.
S’il est difficile d’établir précisément l’histoire du dhrupad, c’est d’abord que sa définition ne coule pas de source : forme poétique, grammaire musicale, type d’émission vocale, pratique de concert, pédagogie, esthétique ou philosophie ? Le genre actuel est un peu tout cela réuni, porté par une transmission orale consubstantielle, gage de sa pérennité.
Une pérennité légendaire, si l’on s’abreuve aux récits de la Dagarvani, cette lignée gardienne d’un style unique qui s’étendrait sur vingt générations et que Pelva est fière de représenter, qui plus est en tant que jeune femme – elle qui a pourtant coutume de dire que « le genre se dissout à l’instant où le tānpūrā[3] résonne, ce qui importe étant la sincérité. »
Depuis 2002, l’artiste aborde les rivages de la scène avec parcimonie et exigence. Elle vit une ascension méritée sans céder aux sirènes de la notoriété. En parallèle, elle enseigne, notamment lors de retraites himalayennes. Partager et accueillir la responsabilité associée lui ouvrent de nouveaux horizons en même temps qu’ils enracinent sa pratique.
À 31 ans, tranquille et déterminée, Pelva se rencontre chaque jour un peu plus à travers un art jugé « complet ». Accompagnée par le joueur de tambour pakhāwaj Pratap Awad, d’un an son aîné, cette représentation sera sa Première en France.
Édith Nicol,
avec le conseil avisé de Gilles Monfort et à partir de l’interview donnée par Pelva Naik au Jashn-e-Deccan 2015 (festival d’Hyderabad)
Site web : http://pelvanaik.in/about/
Extrait vidéo : https://youtu.be/2VA6D4sdmuI
Interviews : https://www.youtube.com/watch?v=KUj4W3Cm3kg
https://www.youtube.com/watch?v=tLH5qQ4RAoM
https://issuu.com/sanjeevinidutta/docs/150801_pulse_130_web (London 2015)
http://in.one.un.org/pelva-naik-dhrupad-vocalist/
http://shethepeople.tv/meet-pelva-naik-one-of-the-few-female-dhrupad-singers-in-india/
[1] Exercice consistant à chanter de longues notes à l’extrême grave de la tessiture vocale pour développer le timbre et le soutien.
[2] Mouvement d’exposition chanté sans la percussion au cours duquel se dévoile progressivement l’atmosphère du râga.
[3] Grand luth d’accompagnement fournissant la tonique, environnée d’une riche palette harmonique.